Les seigneurs de Longvilliers

Les Cayeu (ou Cayeux)

Selon Michel Champagne (2007), c’est probablement sous la direction d’Arnoul (Ier) de Cayeu, né vers 1145, décédé en 1232, que le château-fort de Longvilliers fut reconstruit en pierre. Arnoul de Cayeu fit une importante donation au profit de l’abbaye de Longvilliers (citée en 1196). Les Cayeu se succédèrent et furent de puissants châtelains, figurant dans l’entourage du comte de Boulogne. Dans le courant du 13e siècle, Arnoul III de Cayeu réunit la baronnie d’Engoudsent et la seigneurie de Marquise à son territoire. Il épousa l’héritière de la seigneurie de Douriez, Milessende Kiéret. Vers 1342-1343 Clémence de Cayeu-Longvilliers, dame de Longvilliers; Douriez, Toutencourt et Marquise épousa Jean de Toutencourt, chevalier. Unique héritière, leur fille Jeanne s’allia avec Guillaume de Mortagne, seigneur de Dossemer, Rumes, Audenarde, beer de Flandres, seigneur de Longvilliers en 1345, qui fut tué en 1346 à la bataille de Crécy. Elle épousa ensuite vers 1349 avec Robert de Wavrin, seigneur de Lillers et de Malannoy. Issue du premier mariage, Yolande de Mortagne épousa Gossuin du Quesnoy et récupéra l’héritage de sa mère, dont la seigneurerie de Longvilliers, à la mort de Robert de Wavrin en 1382. Ceci s’ajoutait à l’héritage de son père Guillaume.

Armes des Cayeu

Parti de gueules et d’argent à la croix ancrée de l’un en l’autre

Les Blondel

. Tantôt au service des rois de France, tantôt à celui des ducs de Bourgogne, Les Blondel étaient des chevaliers qui combattirent continuellement lors de la guerre de cent ans.

A la fin du 14ème siècle La châtellenie de Longvilliers devint leur propriété des Blondel, suite au mariage de Marie du Quesnoy, fille de Gossuin et de Yolande de Mortagne avec Jean (II) Blondel, écuyer seigneur de Canteleu et de Méry, fils de Philippe Blondel, écuyer seigneur de Cantelu, bailli de Lens. Jean (II) Blondel décéda peu avant 1407*.

*Selon le Centre Azincourt 1415 Jean Blondel, seigneur de Joigny, Canteleu, Méry, Douriez et Longvillers figure dans la liste des morts à Azincourt, ce qui apparaît incompatible avec sa date vraisemblable de décès. En outre la biographie fournie est erronée puisqu’elle le dit fils de Jean Blondel et d’Isabeau de Béthune. Michel Champagne (2009, pages 9-10) démontre clairement qu’il y a eu mystification au sujet de cette alliance et est formel: “aucun document d’époque authentique, je dis bien aucun, ne mentionne directement ou indirectement une Ysabeau de Béthune épouse de Jean Blondel.”

Leur fils Charles Blondel, cité seigneur de Longvilliers en 1410 (ce qui confirme que son père Jean était décédé auparavant), fut tué à la bataille d’Azincourt le 25 octobre 1415. Son frère Jean (III) Blondel, qui lui succéda fut l’un des seigneurs les plus riches du Nord de la France ayant aussi hérité des biens de son oncle Louis du Quesnoy qui n’avait pas de postérité. Il devint gouverneur de Milan et, après avoir été fait prisonnier à la bataille d’Azincourt, devint un chevalier rebelle avec une vie d’aventurier qui s’acheva à la forteresse d’Oripecte en Provence en 1426.

Enguerran de Monstrelet (1572) – Chroniques Volume 2. Paris: Chez Laurent Sonnius.

Oudart Blondel, frère de Jean (III), qui hérita de ses biens, vendit en 1431 la seigneurerie de Longvilliers (ainsi que celle de Marquise) à son cousin germain Jean (IV) Blondel, chevalier seigneur de Dominois, Grévillers et Petit-Chemin, et fils de Guillaume Blondel et Isabeau de Cambron. Celui-ci, communément dit “le grand seigneur de Longvilliers”, épousa (avant 1443) Chrétienne de Courteheuse dame d’Autingues et mourut après 1473.

Leur fille Marguerite Blondel devint Dame de Longvilliers, par donation de son père en 1473, Marquise, Val en Surques, Dominois et autres lieux.

Armes des Blondel

De gueules à l’aigle d’argent becquée et membrée d’or

Marguerite Blondel et François de Créquy

Marguerite Blondel fur la dernière représentante de cette famille à détenir la seigneurie. Veuve de Gauvain de Bailleul, seigneur de Bailleul-en-Artois, elle, épousa en 1473 François de Créquy seigneur de Douriez, Quérieu et Quéans-en-Artois, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, gouverneur et sénéchal du Boulonnais, ambassadeur du roi Louis XII à la cour d’Angleterre. Ils se signalèrent par leur générosité et leur dévotion. Leurs comptes, conservés dans les chartriers de Longvilliers et Recques, témoignent des innombrables aumônes qu’ils répandaient sur les indigents. Marguerite Blondel et François de Créquy moururent respectivement en 1513 et 1518 et furent inhumés dans l’abbaye de Longvilliers.

On leur doit la reconstruction en craie taillée de l’église Saint-Nicolas, dans le style flamboyant. On leur doit également la construction ou restauration des églises de Douriez, Huby-Saint-Leu, Recques et peut-être Dannes, ainsi que des fondations à l’abbaye de Longvilliers.

Armes des Créquy

D’or au créquier de gueules

Une période agitée

Marguerite Blondel et François de Créquy étant morts sans enfants, plusieurs prétendants revendiquèrent la seigneurie de Longvilliers, qui revint finalement à Arthus de Besghes, puis à son fils Ambroise de Besghes, qui mourut sans postérité. 

Ses biens revinrent alors à sa sœur Anne qui épousa en premières noces Michel d’Orbenson et en secondes noces Charles Dixson, l’aîné d’une fratrie d’aventuriers écossais qui écumaient et terrorisaient le Haut-Boulonnais. Par ce mariage ce dernier devint donc seigneur de Longvilliers. Criblés de dettes, les frères Dixson firent l’objet d’une saisie de leurs biens en 1575. Mais Charles et Thomas Dixson s’enfermèrent dans le château de Longvilliers et il fallut attendre 1578 et l’ordre du roi Henri III pour les en déloger.

La châtellenie fut adjugée à Charles du Biez, seigneur de Bécourt, qui ne pouvant satisfaire aux conditions de l’adjudication, et fut contraint en 1580 de revendre Longvilliers et Marquise à Pierre de Sourhouette du Halde.

Pierre de Sourhouette du Halde et sa descendance

Pierre de Sourhouette du Halde,  premier valet de chambre du roi Henri III, “gentilhomme couchant ordinairement en la chambre du Roy,” devint propriétaire de la châtellenie de Longvilliers en 1580 (on dit que le roi en paya l’acquisition). Il fut chevalier, bailli et gouverneur d’Etaples, seigneur et baron d’Avrilly, de Beauche et de Longvilliers, seigneur d’Armainvilliers, de Recques et de Marquise. Il avait épousé Sévère de Mauny. Hormis de courtes périodes liées à la guerre de la Ligue, la châtellenie de Longvilliers appartint à sa descendance jusqu’en 1669, d’abord à son fils Charles puis à sa fille Diane.

Avec lui une nouvelle ère de splendeurs s’ouvrit pour le vieux château. Elle fut cependant d’abord très agitée car c’était la huitième guerre de religion ou guerre de la Ligue (1585-1598). La Ligue catholique défendait la religion catholique contre le protestantisme. En 1588 elle était parvenue à chasser le roi protestant Henri III de la capitale. Elle le fit assassiner en août 1589. Cette guerre de la ligue donna une grande importance au rôle défensif du château de Longvilliers

Le 30 janvier 1589 au château de Longvilliers

Pierre de Sourhouette du Halde et son fils et héritier Charles étaient bien entendu fidèles au roi protestant Henri III. Ils furent donc la cible de la Ligue Catholique. Le 30 janvier 1589, deux des lieutenants du duc d’Aumale, Rambures et Maiguoulx, le gouverneur de Montreuil, attaquèrent le château de Longvilliers avec une armée imposante. Informé de leur approche, Charles du Halde, avait eu le temps d’envoyer à Boulogne sa femme et sa fille.

Cette précaution prise, il disposa tout pour la défense et résista huit jours; il mit 95 assiégeants hors de combat; mais ces derniers avaient des forces supérieures. Leur artillerie fit trois brèches aux murs du château, qui fut obligé de se rendre, car les secours amenés par les gouverneurs de Boulogne et de Calais arrivèrent trop tard.

De Calonne A. (1875) – Dictionnaire Historique et Archéologique du Pas-de-Calais, Arrondissement de Montreuil. Arras: Sueur-Charruey, page 114.

Pierre et Charles de Sourhouette du Halde moururent sans doute peu après. En tout cas Charles n’était plus là en janvier 1591, quand le duc d’Epernon chassa les ligueurs du château de Longvilliers. C’est François de Belleval, second époux de sa sœur Diane, riche héritière du château, qui entra en sa possession. Mais le château eut encore à connaître une période agitée, les ligueurs ayant reconquis le Haut-Boulonnais.

François de Belleval

Pierre de Sourhouette du Halde avait connu François de Belleval à la cour de Henri III; il l’accueillit à Longvilliers et lui donna sa fille. Par cette union, François de Belleval se trouvait à la tête d’une fortune considérable. Diane de Sourhouette du Halde lui apportait la châtellenie et baronnie de Longvillers avec un château, les baronnies d’Avrilly et de Beauche, les seigneuries d’Armainvilliers, de Recques et de Marquise et enfin un hôtel à Paris, dans la rue Saint-Thomas du Louvre.

Armes de François de Belleval

De gueules à la bande d’or sur un semé de croix recroisettées au pied fiché de même

.

Le 13 janvier 1593 au château de Longvilliers

Mais pour n’avoir pas voulu y garder la garnison de soixante arquebusiers qui y était placée, François de Belleval fut réduit, le 13 janvier 1593, à capituler devant les ligueurs catholiques du gouverneur de Montreuil, François des Essarts de Maigneulx. Il fallut attendre que la paix fût rétablie pour qu’il reprit possession du château et que les dégâts fussent réparés.
Celles des tours du château qui subsiste de nos jours a été refaite à cette époque. Il s’agit d’une belle construction en craie taillée avec un soubassement en grès. La cheminée qui reste également porte la date de 1615. Ce n’est qu’en 2022 que la partie extérieure, encore visible ci-dessous, fut en grande partie détruite par une tempête.

2014

Diane de Sourhouette du Halde

François de Belleval mourut au début de l’année 1602 à l’age de 49 ans. De son mariage avec Diane étaient nées deux filles, Marie et Hélène, alors mineures. Diane de Sourhouette reçut la tutelle et, la plus jeune de ses filles Hélène étant décédée peu après, elle se retira à Longvilliers avec son aînée Marie. En 1627 Diane se remaria en troisièmes noces avec Jacques de La Meschaussée, seigneur de La Coste et de Pompadour. Ils se ruinèrent. Quand Diane qui vécut très âgée mourut que le 14 janvier 1650, elle avait vu fondre entre ses mains une immense fortune.
C’est leur fille Diane de la Meschaussée de Pompadour qui devint propriétaire du château de Longvilliers, mais elle fut contrainte de le vendre.

Antoine de Lumbres, son épouse Marthe de Levrien, et leurs héritiers

Diane de la Meschaussée de Pompadour, petite-fille de Pierre Sourhouette du Halde, femme de Charles le Quien, Marquis de Montaignac, vendit la châtellenie de Longvilliers le 21 mars 1669, en présence de Jean le Noir, vicomte et mayeur de Montreuil, moyennant 180,000 livres tournois, à Antoine de Lumbres, seigneur d’Herbinghem, ancien ambassadeur en Pologne.

De Calonne A. (1875) – Dictionnaire Historique et Archéologique du Pas-de-Calais, Arrondissement de Montreuil. Arras: Sueur-Charruey, page 114.

Antoine de Lumbres devint donc propriétaire de la châtellenie de Longvilliers. Son épouse, née Marthe de Levrien, restée veuve le 14 mai 1676, la donna par acte entre vifs du 22 juin 1676 à son neveu Bertrand de Montbéton, Seigneur de la Chapelle, de Longvilliers, de Dannes, de Marquise, de Rollez et de la Mothe. Celui-ci était le fils de Marie de Levrien, mariée le 23 mai 1608 à Girault de Montbéton. Marthe de Levrien testa le 15 décembre 1679 et mourut à Longvilliers le 21 septembre 1681, à l’âge de 90 ans. 

Rodière R. (1906) – Chartes diverses du Boulonnais. Mémoires de la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, tome 24. Boulogne-sur-Mer, Imprimerie G. Hamain, page 205.

Les de Bernes de Longvilliers

Les huit enfants de Bertrand de Montbéton étant morts sans postérité, c’est sa sœur Marthe de Montbéton qui lui succéda. Elle avait épousé le 14 février 1638 François de Bernes de la Comté, qui fut à l’origine de la lignée des Bernes de Longvilliers.

La famille de Bernes est originaire du Beauvaisis. Les Bernes résidèrent depuis le XIIIe siècle au manoir de Bernes à Leulinghem au nord de Boulogne.

Armes des de Bernes
Non excidet

D’argent à la hache d’armes de gueules posée en pal*

Dans l’armorial d’Hozier la hache d’arme est surmontée d’un lambel. Ref!!!

François de Bernes de la Comté et Marthe de Montbéton moururent respectivement en 1676 et 1678. Leur fils François n’avait pas d’enfant au décès de son épouse Anne de Roussent, fille de riches commerçants de Montreuil. À 63 ans, il épouse en secondes noces en 1725 Suzanne de Mithon de Tourteauville. Juste avant de décéder en 1727, il voit naître Antoine, le fils tant désiré qui va hériter du château de Longvilliers, de ses terres, des bois et des dépendances.
Antoine François de Bernes (1727-1811), “marquis de Longvilliers, seigneur de Dannes, de Marquise, de La Chapelle, de La Motte et de Raullez”, fut maire de Montreuil-sur-Mer de 1778 à 1785. Il est présenté comme un homme à l’esprit éclairé qui souhaitait les réformes. Il a laissé le nom de Longvilliers à l’Hôtel de Longvilliers à Montreuil-sur-mer qu’il fit construire en pierre en 1752. Celui-ci, maintenant propriété du Conseil général du Pas-de-Calais, est la résidence du sous-préfet de Montreuil-sur-mer depuis 1827.

La reconstruction du château

C’est son fils Ambroise de Bernes de Longvilliers (1755-1832), marié le 20 mai 1779 avec Marie Joseph van Cappel, qui en 1780 fit reconstruire le château.

Après la révolution, il dut émigrer en 1793 et ses biens furent confisqués et vendus. Pour empêcher toute reconstitution du domaine, tout fut démembré: la basse-cour et les dépendances furent vendues en 18 lots.

Diviserunt sibi vestimenta mea, et super vestem meam miserunt sortem.
Ils se sont partagé mes vêtements, et pour ma tunique, ils ont tiré au sort.

disait le marquis Antoine François de Bernes, citant un extrait d’un chant grégorien.

Leur attachement à Longvilliers

En 1857 Octave de Bernes de Longvilliers racheta le château aux enchères, mais sans ses terres. Sa famille, qui avait gardé la forêt de Longvilliers, possède encore le château de nos jours, mais celui-ci est surtout pour elle un souvenir historique et symbolique.

En effet, à la fin du 20ème siècle on logeait de pauvres gens au château qui n’était plus guère habitable, et en juillet 1900 il prit feu. Le toit, qui venait d’être refait, et toutes les charpentes brûlèrent. Les vieilles pierres, auxquelles se rattachent tant de souvenirs, sont désormais menacées par les éléments et s’effritent lentement.

La mémoire d’Octave-François de Bernes de Longvilliers (1815-1889), neveu de Gabriel Ambroise, et de son épouse Marie de Malet de Coupigny (1826-1900) qu’il épousa le 29 juillet 1846, est rappelée dans l’église Saint Nicolas de Longvilliers.

11 pierres tombales sont enchâssées dans les murs des deux chapelles de l’église Saint Nicolas. Six d’entre elles ont été retirées du dallage de l’église où elles s’usaient, à l’initiative de François de Bernes, marquis de Longvilliers, en 1920. Les cinq autres, dispersées depuis la révolution ont été remises également par la famille de Bernes.

Le 12 septembre 1993, la famille de Bernes de Longvilliers s’est réunie pour une journée au château de Longvilliers.

2009

En octobre 2009 quatre générations parmi les 180 membres de cette famille se sont retrouvées à Montreuil-sur-Mer. A Longvilliers, ils ont assisté à une messe en l’église Saint Nicolas, et ont organisé un grand rassemblement sur le site du château.

Longvillliers Medievale 2009
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