Des personnages étonnants

Eustache II, dit aux Grenons

   Qui fit construire en 1049 une forteresse à l’origine du développement de Longvilliers

Eustache II, dit aux Grenons (longues moustaches) a été comte de Boulogne de 1047 à 1088 (environ). C’est lui qui fit construire vers 1049 une forteresse qui fut à l’origine du développement de Longvilliers.
Il épousa en secondes noces Ide de Lorraine (Sainte Ide). Leur fils Godefroy de Bouillon (ou de Boulogne) est le célèbre héros de la première croisade et leur petite fille Mathilde a été reine d’Angleterre.

Il occupe une place de choix, à côté de Guillaume le Conquérant, sur la non moins célèbre tapisserie de Bayeux. Selon une thèse récente, très argumentée, il pourrait même en être le commanditaire.

Longvilliers sur la tapisserie de Bayeux

On peut en effet le voir à droite de Guillaume le Conquérant qui soulève son casque pour indiquer à ses chevaliers qu’il est vivant. Eustache brandit de la main gauche son gonfanon (bannière) représentant une croix d’or entourée de quatre tourteaux (disques).

Ceux-ci pourraient représenter les quatre châtellenies qui assuraient la défense du comté de Boulogne: Belle-Houllefort, Fiennes, Longvilliers, Tingry.

Selon cette hypothèse
Longvilliers serait représenté
sur la tapisserie de Bayeux.

On peut voir le gonfanon d’Eustache II comme une variante de la bannière papale, qui ne comporte pas de tourteaux, et est ornée de quatre pointes (pennons) au lieu de trois trois. Mais ceci n’est pas incompatible avec l’hypothèse précédente

Cette hypothèse de la présence de Longvilliers sur le gonfanon (à gauche) est en outre compatible avec des deniers d’Eustache II et de son fils Eustache III découverts dans le Boulonnais; qui ont été étudiés en détail par Marcel Fournet. Pour celui-ci, sur le denier d’Eustache II (au centre), “les quatre tourteaux étaient au départ, censés représenter les quatre châtellenies du Boulonnais contribuant à sa protection : Tingry, Longvillers, Belle et Fiennes.” Le denier d’Eustache II (à droite) est encore plus évocateur et “nous laisse imaginer la haute ville de Boulogne avec ses quatre tours, protégée par les quatre châtellenies symbolisées par quatre tourteaux.”

Le comte Eustache est-il le commanditaire de la Tapisserie de Bayeux?

Si le récit orthodoxe de la tapisserie de Bayeux considère que Odon de Bayeux, demi-frère de Guillaume le Conquérant et évêque de Bayeux, en a été le commanditaire probable, Bridgeford (1989) suggère qu’il est possible d’affirmer que le commanditaire est plutôt le comte Eustache II de Boulogne. Van Cuyck et Lambert (2014) apportent des arguments supplémentaires et proposent de reconnaître en Eustache II le commanditaire de la tapisserie.

Bridgeford A. (1999) – Was Count Eustace II of Boulogne the patron of the Bayeux tapestry? Journal of Medieval History, 25, 155-185.
Van Cuyck H., Lambert V. (2014) – Count Eustace II of Boulogne (1047-1087) and the Bayeux tapestry: A reappraisal and augmentation of the arguments. Annales de Normandie, 64, 137-167.

Godefroy de Bouillon (de Boulogne)

Godefroy de Bouillon né aux environs de 1060, fils d’Eustache II de Boulogne et de Ide de Lorraine, qui fut béatifiée, est l’un des personnages les plus renommés de toute la chrétienté. Il fut l’un des principaux chefs de la première croisade et était au premier rang des assaillant lors de la prise de Jérusalem en juillet 1099.
La conquête de la Palestine amena la création d’un nouveau royaume dont il fallait un roi. Pour toutes ses qualités, ce fut Godefroy qui fut élu, mais il refusa le titre, arguant qu’il ne pouvait porter une couronne d’or là où le Christ avait porté une couronne d’épine. Il accepta finalement la charge en se contentant du titre d’avoué du Saint Sépulcre à la place de celui de roi.

Une tour Godefroy de Bouillon au château de Longvilliers

Dans le protocole des déclarations de leurs biens au xviiie siècle, les religieux de Longvilliers déclarent que leur abbaye fut fondée par Etienne, roi d’Angleterre, et Mahaut, sa femme, nièce de Godefroi de Bouillon “qui a esté nourit dans le chasteau de Longvilliers, où est une tour qui porte son nom“.

Deseille Ernest (1885-1886) – L’Année boulonnaise, Ephémérides historiques intéressant le pays boulonnais. Mémoires de la Société Académique de l’Arrondissement de Boulogne-sur-Mer, tome 8. Boulogne-sur-Mer: Imprimerie Veuve Charles Aigre, page 16.

Que Godefroy de Bouillon fût né à Longvilliers, ce que suggèrent les moines dans leur désir de valoriser leur abbaye, ne saurait être qu’une légende. L’existence d’une tour Godefroy de Bouillon à Longvilliers pourrait s’expliquer par la tradition, beaucoup plus vraisemblable, selon laquelle “ce prince y avait été transporté dans son enfance, pendant une peste qui causait à Boulogne d’affreux ravages”

Le Roi A. (1839)Histoire de Notre-Dame de Boulogne. Boulogne-sur-Mer: Le Roy-Mabille, page 246.

Où est réellement né Godefroy de Bouillon

Historiens français et belges s’opposent sur son lieu de naissance: Boulogne-sur-Mer pour les premiers et Baisy-Thy, aujourd’hui section de la ville belge de Genappe, pour les seconds. Les boulonnais ne doutent pas que Godefroy est né à Boulogne, comme l’illustre ce timbre personnalisé édité en 2012 par l’Association Philatélique du Boulonnais.

La Chanson du Chevalier au cygne est une œuvre composée vers la fin du XIIe siècle-début du XIIIe siècle pour rehausser la gloire de la maison de Bouillon en lui donnant une origine merveilleuse avec un aïeul légendaire doté de toutes les qualités physiques et morales. Selon son auteur inconnu, qui disposait sans doute de sources que nous n’avons plus de nos jours, il existait un lien entre les parents de Godefroy et Longvilliers. C’est ce que montrent les passages suivants, extraits de la réédition du manuscrit (Hippeau, 1877).

Le comte Eustache II possédait à Longvilliers (Loncviler) un élevage d’un millier de brebis et moutons. Lors des fêtes données par Eustache II à son retour à Boulogne, après son mariage avec Ide de Lorraine (vers 1056) son sénéchal se rendit à Longvilliers.

s’en torne = s’éloigne
atargier = retarder
isnelement = promptement
li quens Witasses = le conte Eustache
moitoier = métairie ou métayer
gaaigniés = pâturés
bailliés = portés ou attrapés

Eustache fit don de sa métairie à Ide, ce qui provoqua son désir d’avoir “moult bon enfant”. Elle donna naissance à un prince, Eustache III comte de Boulogne, deux rois, Godefroy roi de Jérusalem et Baudouin qui lui succéda.

Ce don pourrait avoir déterminée Ide à séjourner quelque temps à Longvilliers avec son fils Godefroy “dans un lieu si propice au développement de la santé et des forces d’un enfant.” (Deseille 1885-1886, page 17).

Hippeau C. (1877) – La chanson du Chevalier au cygne et de Godefroid de Bouillon (réédition d’après un manuscrit du 13ème siècle). Deuxième partie Godefroid de Bouillon. Paris: Auguste Aubry.
Deseille Ernest (1885-1886) – L’Année boulonnaise, Ephémérides historiques intéressant le pays boulonnais. Mémoires de la Société Académique de l’Arrondissement de Boulogne-sur-Mer, tome 8. Boulogne-sur-Mer: Imprimerie Veuve Charles Aigre, page 16.

Lancelot de Longvilliers

   L’un des personnages les plus importants du Royaume de France

Aux 13ème et 14ème siècles Les Cayeu (ou Cayeux) ont été de puissants châtelains de Longvilliers, figurant dans l’entourage du Comte de Boulogne. Dans le courant du 13ème siècle, Arnoul III de Cayeu réunit la baronnie d’Engoudsent et la seigneurie de Marquise à son territoire.

Selon Aubert de La Chesnaye des Bois (1783, page 125), Lancelot de Cayeu est le fils de Warin (ou Warrin) de Cayeu, seigneur de Longvilliers, dont l’épouse est inconnue. Il est né vraisemblablement en 1345. Il est mentionné comme “Chevalier, Seigneur de Longvilliers, Gouverneur & Sénéchal du Boulonnois en 1378. Il faut souligner que Lancelot conserva le nom de Longvilliers sans en posséder la terre, puisque la seigneurie de Longvilliers devint à partir de 1386 la propriété des Blondel.

Lancelot de Longvilliers est l’un des personnages importants qui ont contribué à faire connaître le nom de Longvilliers. Un titre de l’avant dernier jour de Septembre 1380 le cite pour la vente d’une rente sur une maison située rue Saint Jean à Boulogne. En 1500, on pouvait encore voir, au bas de la rue du Puits-d’Amour à Boulogne, l’Hôtel de Longvilliers (Aubert de La Chesnaye des Bois, 1783, page 125).

Plus encore, dans l’Histoire de Charles VI, Roy de France (Le Laboureur, 1663), Lancelot de Longvilliers est classé parmi les personnages les plus importants du Royaume de France, “Principaux Princes de Sang, Grands Officiers, Ministres d’Etat, Favoris de la Cour de France.”
Dans la liste qui est établie pour chaque année du règne, Lancelot de Longvilliers figure à 12 reprises: de 1390 à 1395 et de 1400 à 1405. Cette liste ne comporte qu’un nombre limité de noms, comme on peut par exemple le voir dans celle de l’année 1393 (Livre douzième, page 237), où il est figure comme lieutenant de Wateran de Luxembourg, comte de Saint-Pol, capitaine général de Flandres..

Armes des Cayeu

Parti de gueules et d’argent à la croix ancrée de l’un en l’autre

Aubert de La Chesnaye des Bois F.-.A. (1783) – Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, Tome XIII. Paris: Badiez.
Le Laboureur J. (1663) – Histoire Charles VI. Roy France, Escrite par les ordres et sur les memoires et les avis Guy Monceaux, et Philippes Villette, Abbez Sainct-Denys, par un autheur contemporain Religieux leur Abbaye. Contenant Tous Les Secrets L’Estat, Et Du Schisme l’Eglise, avec les interests et le caractere des Princes Chrestienté, des Papes, des Cardinaux, et des principaux Seigneurs France. Traduite sur le Manuscrit Latin tiré de la bibliotheque M. le President de Thou… Tome I. Paris: Louis Billaine.

René de Mailly

   L’un des plus remarquables abbés de Longviliers (1566-1618)

René de Mailly, né aux environs de 1540, appartenait à une famille illustre. Il était le quatrième fils de René 1er de Mailly, gouverneur de Montreuil, et de Marie de Hangard. Son père, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi et chevalier de Son Ordre, fut notamment Capitaine et Gouverneur de Montreuil, avec “droit à pourvoir pour sa famille au siège abbatial de Longvillers en Boulonnais”.
René de Mailly fut Prieur de Davenescourt (Somme) et abbé de Longvilliers à partir de 1566 et jusqu’en 1618. il jouissait aussi du temporel de l’abbaye de Toussaint au diocèse de Châlons-sur-Marne, par résignation de son oncle François de Mailly, et du prieuré de Davenescourt (maintenant dans la Somme). Il état protonotaire (officier qui reçoit et expédie les actes administratifs) )du Saint-Siège apostolique.

A l’issue des Guerres de Religion, l’abbaye de Longvilliers était pratiquement ruinée. René de Mailly, faisant exception à la règle, se conduisit en véritable abbé et releva l’église et les cloîtres démolis pendant les guerres. Grâce à lui l’abbaye connut à nouveau une aire de prospérité. Il mourut le 10 novembre 1618 à Longvilliers. C’est son neveu Charles de Mailly qui lui succéda jusqu’en 1625.

Sa pierre tombale est devenue le seuil d’une maison

Albert Leroy, historien du pays de Montreuil et auteur des “vieilles fermes du pays de Montreuil” paru en 1972, retrouva dans une maison de Longvilliers, proche de l’ancienne abbaye, la pierre tombale de René de Mailly. Elle constituait le seuil de cette maison construite avec des matériaux provenant de l’abbaye.

Cy gist révérend père en Dieu dom René de Mailly, en son vivant abbé de Longvillier, lequel, après avoir régi cette maison par cinquante deux ans, rendit son âme à Dieu le 10 novembre 1618. Priez Dieu pour son âme

Une abbaye convoitée et un abbé de cinq ans

A la mort de Charles de Mailly, l’abbaye de Longvilliers était redevenue convoitée: elle comptait peu de moines et jouissait de revenus importants. La maison de Gonzague-Nevers obtint la commende de l’abbaye et Charles de Gonzague de Clèves fut nommé à la fois abbé de Longvilliers et prieur de la Charité. Mais il n’avait que cinq ans et une dispense lui fut accordée par le pape: “Dispense d’age pour faire accorder à Charles de Gonzague de Clèves, âgé de 5 ans, pour posséder toute sorte de bénéfices, même des évêchés, pourvu qu’il ait atteint l’âge de 7 ans et qu’il ait pris la tonsure cléricale.”
Mais finalement, la maison de Gonzague-Nevers préféra renoncer à l’abbaye de Longvilliers, en échange d’une pension de 6 000 Livres.

Diane de Sourhouette du Halde

En 1580, Pierre de Sourhouette du/de Halde, écuyer et premier valet de chambre du Roi, capitaine-gouverneur d’Etaples, seigneur de Longvilliers48, Marquise, Recques en Boulonnais et Dannes, Avrilly49, châtelain de Beauche en Auxerrois, achète la seigneurie de Gretz-Armainvilliers ; il était l’époux de Lucrèce de Mauny, et le père de Charles et Diane du/de Halde († 1650, elle épouse successivement deux fils cadets du duc Charles d’Halluin : en 1587 Robert († 1587 à Coutras) et en 1588 Léonor († 1595 au siège de Doullens) ; puis François de BellevalRouvroy50, † 1602 ; enfin Jacques de Machat de La Meschaussée-Pompadour). https://fr.wikipedia.org/wiki/Gretz-Armainvilliers

Par la suite Pierre de Sourhouette du Halde,  premier valet de chambre du roi Henri III, devenu seigneur de Longvilliers, eut un rôle dans deux évènements importants de l’histoire de France aux côtés de Henri III: c’est lui qui le 23 décembre 1588 réveilla le roi le jour de l’assassinat du duc de Guise, et qui le 2 août 1589 introduisit dans la chambre du roi (de Vaissière 1912, page 254) le moine dominicain Jacques Clément, sans savoir qu’il allait l’assassiner.

De Vaissière P. (1912) – Fragments de mémoires de Jean du Houssay: seigneur de La Borde (1588-1594). Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, 49, pages 240-269.
Weber H. – La journée des Barricades et l’assassinat du duc et du cardinal de Guise. Weber H. C@hiers de la Renaissance, 1, Publications de Montpellier 3.

   Le roi Henri III dansa à sa noce

Diane était la fille de Pierre de Sourhouette du Halde, premier valet de chambre du roi Henri III, devenu propriétaire de la châtellenie de Longvilliers en 1580. Le 4 février 1587, à Paris, elle épousa Robert de Halluin (ou Hallwin). Dans le contrat de mariage daté du 11 janvier 1587 elle reçoit des présents considérables.

Robert de Halwin seigneur de Ronsoy, et Diane de Sourhouette : contrat de mariage. Par ce contrat Charles de Halwin, marquis de Maignelay, seigneur de Viennes, chevalier des ordres du Roi, conseiller en son conseil d’état, capitaine de 100 hommes d’armes des ordonnances et Anne Charlot*, sa femme, demeurant à Maignelay et momentanément à Paris, père et mère de Robert de Halwin, font donation à leur fils de droits sur les terres et seigneuries de Ronsoy, de Proyart et de “l’Aunoy” situées en Picardie jusqu’à une valeur de 2666 écus, deux tiers de revenu annuel et de la jouissance des revenus de la terre et seigneurie de Ronsoy, et Pierre de Sourhouette, chevalier, baron d’Arnolly, capitaine et gouverneur pour le Roi de la ville et château d’Etampes**, couchant ordinairement en la chambre de sa majesté, et Lucrèce de Mauny, sa femme, père et mère de Diane de Sourhouette font donation à leur fille d’une rente de 8333 écus, un tiers.
*Chabot **Etaples

Campardon E., Samaran C, Fleury M.-A., Vilar G. – Châtelet de Paris.Y//128-Y//132. Insinuations (27 juillet 1586 – 24 juillet 1592). Inventaire analytique. Pierrefitte-sur-Seine: Archives nationales (France), XIXe siècle, page 65.

Le roi Henri III lui fit de très riches présents et dansa à sa noce.

Le jeudi gras, 4e jour de febvrier, Du Halde maria sa fille unique à l’un des puisnés de la maison de Pienne, à laquelle le Roi donna 20 mil escus en deniers clairs et comptans, et Du Halde, 5 mil escus de rente, en fonds de belles terres, qui estoit un beau et precieux dot, pour la fille d’un Manseau laquais de son premier mestier, et lors du mariage, premier valet de chambre du Roy son bon maistre. vingt mille écus et six cent mille écus sur tout le royaume. Encores le favoriza le Roy de tant, qu’il alla à la nopce après souper, en masque et y fist un brave ballet, de cinq hommes et de cinq femmes, avec excellente musique.

L’Estoile P (1837) – Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, tome 2, Registre-journal de Henri III. Publié d’après le manuscript autographe de Pierre Lestoile (1546-1611), presqu’entièrement inédit, par MM. Champollion-Figeac et Aimé Champollion fils. Paris: Editions du commentaire analytique du Code civil, page 214.

Robert de Halluin fut tué à la bataille de Coutras le 30 octobre 1587, victime de son dévouement au roi Henri III.

Peu de temps Dans le contrat de mariage daté du 15 février 1588 Diane remaria avec Léonor de Halluin, seigneur du Roussoy, le frère de Robert. elle reçoit encore des présents considérables.

Léonor d’Hallwin, seigneur du “Roussoy”, et Diane de Sourhouette : contrat de mariage. Par ce contrat Charles d’Hallwin, duc d’Hallwin, marquis de Maignelay, et Anne Chabot, sa femme, père et mère de Leonor d’Hallwin font donation à leur fils des terres et seigneuries du “Roussoy”, Proyart et “Launoy” situées en Picardie jusqu’à la valeur de 2666 écus, deux tiers de revenu annuel et lui donnent ici à présent la jouissance de la terre du “Roussoy”, et Pierre de Sourhouette du Halde, chevalier, baron d’Avrilly, capitaine et gouverneur pour le Roi en la Ville et Château d’Etaples, couchant ordinairement en la chambre de sa majesté, père de Diane de Sourhouette fait donation à sa fille d’une rente de 8333 écus, un tiers, lui donne la jouissance de la terre et seigneurie de Longvillers (près Etaples) et la reconnait pour son unique et future héritière universelle.

Campardon E., Samaran C, Fleury M.-A., Vilar G. – Châtelet de Paris.Y//128-Y//132. Insinuations (27 juillet 1586 – 24 juillet 1592). Inventaire analytique. Pierrefitte-sur-Seine: Archives nationales (France), XIXe siècle, page 200.

Léonor de Halluin fut tué à son tour en 1595 à la prise de Doullens par les espagnols.

La jeune veuve avait vu mourir en moins de deux ans son mari, son père et son frère. On peut par ailleurs s’interroger sur le contrat de mariage ci-contre avec Léonor d’Halluin. On ne trouve apparemment nulle trace ailleurs d’un tel mariage. Au contraire, il est dit que Léonor, qui fut tué à la prise de Doullens par les espagnols en 1595 n’avait jamais été marié.
Quoi qu’il en fût, il est établi que Diane, qui avait alors une fortune considérable, se remaria en janvier 1593 avec François de Belleval de Rouvroy. Elle semblait poursuivi par le destin puisque celui-ci mourut jeune, en février 1602, laissant deux filles mineures sous la tutelle de sa femme.

Une fortune considérable au château de Longvilliers
Celle-ci fit alors procéder à l’inventaire et à l’estimation du mobilier garnissant le château de Longvilliers où elle demeurait. Cet inventaire donne une idée de la fortune que contenait le château de Longvilliers.

Inventaire du château de Longvilliers en 1602: La garde-robe de la baronne

La garde-robe de la baronne de Longvilliers est encore plus nombreuse et mieux montée, si c’est possible une robe de velours noir et une autre de taffetas à fond gris; une robe de crèpe de soie et autre de damas noir bandé de velours noir, avec la jupe en velours noir; « deux corps de robe » sans manches, en taffetas et en satin de soie un corps de robe de velours noir, avec les manches découpées: un autre de taffetas orange; un autre en satin blanc un autre « en étamine a fond de satin « gris garnydejectpar dessus à manches ou- « vertes, deschiquetées H; ledevantd’un corps de robe en velours noir; huit « devantures de cottes en satin de soie broché cramoisi, en velours tanné avec les « mancherons pareils, en drap d’or, en velours jaune brodé d’argent avec les mancherons pareils, en toile d’argent « en broderie d’or et de canetille », en satin broché, cramoisi, en satin blanc brodé d’argent un « bas de cotte » en velours noir; un autre en toile d’argent incarnat piquée d’or; « un des côtés de la queue d’une robe en satin noir broché d’or; quatre jupes, une en « toile d’or violette », une en toile d’argent, une en toile d’or incarnat brochée d’or, une en velours vert « à la Rettre )~ un « cotillon » de camelot de soie jaune pâle, brodé de passements d’argent, et un autre en satin f( couleur de pain bis »; deux corsets en soie tannée et en velours noir unepaire de manches en velours cramoisi deux autres paires en satin cramoisi, deux autres. paires en satin de soie et en velours noir un& paire de grandes manches en toile d’or, quatre « grandes manches à bombarde, de fourrure » une paire de doublures de grandes manchesen toile d’argent; six paires de « mancherons ». et une paire de manches en toile d’argent un « collet de velours noir broché d’or un autre « ouvraigé d’or et de soie faict à l’esguille » une cape ronde de velours noir « à haut collet. it doubles manches, l’une de velours, l’autre de satin de soye » un manteau de taffetas « couleur de feuille » un manteau de taffetas velouté fourré d’agneau noir, un manteau de drap tanné « pour aller à cheval » des collets de crèpes » des crespes à coiffure » une toque de velours, un chapeau de feutre, un chapeau garni de taffetas, enfin, un petit hault de chausses de velours rouge à usaige de femme ».

de Belleval R. (1900)Les derniers Valois: François II, Charles IX, Henri III. Paris: Librairie historique et militaire Henri Vivien, pages 205-207.

Diane de Sourhouette du Halde se remaria encore avec Jacques de La Meschaussée, seigneur de La Coste et de Pompadour. Elle vécut très âgée et ne mourut que le 14 janvier 1650, ayant vu fondre entre ses mains une immense fortune. On peut lire son épitaphe sur sa pierre tombale qui se trouve dans la chapelle du transept droit de l’église Saint-Nicolas de Longvilliers.

CY GIST
HAULTE ET PUISSANTE DAME,
DAME DIANE DE SOURHOUETTE DU HALDE
FEME DE HAULT ET PUISSANT
SEIGNEUR JACQUES DE LA
MESCHAUSSÉE ET DE LÀ
COSTE, DAME DE LONGVILLIERS,
MARQUISE ET DANNES EN
BOULLENOIS, LAQUELLE. DECEDDA LE
QUATORZIESME JANVIER LAN DE
GRACE MIL SIX CENS CINQUANTE
PRIEZ POUR SON ÂME

Diane de Sourhouette du Halde

Antoine de Bourbon, comte de Moret

   Abbé de Longviliers (1629-1632) – Fils naturel et légitime de Henri IV

Loir Chatel (2014) décrit ainsi Antoine de Bourbon:

Mort à 25 ans, il reste éternellement jeune. Bâtard royal légitimé destiné à l’Eglise, il vécut à la fois comme un ami des lettres et comme un grand seigneur, comme un abbé et comme un bouillant militaire, comme un jeune paysan béarnais et comme un apprenti théologien. Sa figure de jeune homme révolté, mort tragiquement, a marqué ses contemporains au point qu’ils lui inventèrent une deuxième vie.

Loir Chatel B.(2014) – Antoine de Bourbon Comte de Moret Fils d’Henri IV Abbé de Longvilliers. Mémoires pour l’Histoire de Boulogne et du Boulonnais, 10. Boulogne-sur-Mer: Imprimerie Graphimer.

Portrait d’Antoine de Bourbon, comte de Moret Petrus de Ballu (Gallica)

Abbé à trois ans

Né le 9 mai 1607, il est le fils du roi Henri IV et de sa maîtresse Jacqueline de Bueil et porte le prénom de son grand-père Antoine de Navarre. Il n’a pas encore trois ans quand son père le nomme abbé commendataire de l’abbaye de Savigny le 29 avril 1610. Il le reste jusqu’en avril 1622.
En 1620 il devient abbé de Saint-Étienne de Caen et le reste jusqu’à sa mort. Il profite des riches revenus de l’abbaye normande. Pendant les 12 ans où il est à la tête de l’abbaye, il entre constamment en conflit avec les religieux qui lui reprochent de ne pas débloquer les fonds nécessaires à leurs besoins personnels et à la reconstruction des bâtiments, ruinés par la guerre de religion.
En 1629 au plus tard il est abbé de Longvilliers (jusqu’à sa mort). Il fut également abbé des abbayes Saint-Pierre de Marcilhac-sur Célé (Lot), Signy (Ardennes), Saint-Victor de Marseille et Saint-Faron de Meaux (Seine-et-Marne).

Mort à vingt-cinq ans

Cet abbé particulier qui ne reculait devant aucune aventure “galante” fut mortellement blessé d’un coup de mousquet à la bataille de Castelnaudary le 1er septembre 1632. Il n’avait que 25 ans.

Roger d’Aumont de Chappes

   Abbé de Longviliers (1644-1653)
   grand chasseur, duelliste, orgueilleux et violent, surnommé Tarquin le superbe

Roger d’Aumont de Chappes est né vers 1605-1610 et est mort à Paris le 25 mars 1653. il est le troisième fils de Jacques d’Aumont, baron de Chappes et prévôt de Paris, et Charlotte Catherine de Villequier, son épouse. Il est le petit-fils de Jean d’Aumont, Maréchal de France, présenté comme “un des grands capitaines de son temps”. Il est le frère cadet d’Antoine d’Aumont de Rochebaron (1601-1669), qui fut également Maréchal de France.

Uni militat astro

D’argent au chevron de gueules accompagné de 7 merlettes du même, 4 en chef et 3 en pointe

Destiné à une carrière ecclésiastique, il apparaît très jeune dans le Minutier central des notaires de Paris en date du 27 juillet 1623 comme abbé de l’Usarche [Uzerches] avec l’information suivante:

d’AUMONT (Roger) abbé de l’Usarche, émancipé et jouissant de ses droits sous l’autorité de Charles LABBE, avocat en Parlement son curateur § Déclaration de Roger d’AUMONT comme quoi pour tirer ses bulles de sadite abbaye des mains de François PARISOT, banquier expéditionnaire en cour de Rome, il a tiré Lettre de Change de 4000 £ prises du sieur de RAMBOUILLET, banquier en ladite cour, dont 3300 pour les bulles et 340 £ pour les Intérêts dud. RAMBOUILLET.

Dans ce même minutier il est décrit le 28 mai 1626 comme “conseiller et aumônier ordinaire du Roi”.

Minutes et répertoires du notaire Jean II CHAPELLAIN, janvier 1620 – 11 février 1632 (étude XXIV). Minutier central des notaires de Paris 1ère édition électronique. Archives nationales (France), Pierrefitte-sur-Seine 18 juin 2013 (pages 200 et 360).

Fidèle serviteur du Roi dont il aumônier en 1625, il a largement bénéficié de la pratique de la commende selon laquelle une abbaye était donné par le Roi en usufruit à un commendataire qui en percevait les revenus (voir l’histoire de l’abbaye). Cela lui a valu d’être abbé commendataire des abbayes d’Uzerche (Correze), Barzelle (Indre), Beaulieu (Tarn-et-Garonne), Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire), Longvilliers et Saint-Aubin des Bois (Côtes-d’Armor).

Deux jours seulement après la mort subite de l’abbé de Longvilliers Claude de Saint-Bonnet de Toiras survenue le 4 mai 1642, le Cardinal de Richelieu fait recommander au Roi Louis XIII par courrier du 6 mai 1642, d'”en [l’abbaye de Longvilliers] gratiffier M. l’abbé d’Aumont… c’est un très honneste gentilhomme et bon ecclésiastique.”

Avenel M. (1874) – Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’état du cardinal de Richelieu, Tome 7. Paris: Imprimerie Nationale, page 305.

Roger d’Aumont de Chappes ne devient toutefois abbé de Longvilliers qu’en 1644, l’abbaye étant restée pendant deux ans sous le régime de régale (en l’absence d’abbé le roi en percevait directement les bénéfices). L’année suivante en 1645 il devient évêque d’Avranches (Manche), mais, pour des raisons de santé, renonce à ses fonctions épiscopales en 1651 en échangeant son évêché contre l’abbaye de Saint-Aubin des Bois (Côtes-d’Armor). Il meurt deux ans après le 25 mars 1653, à l’age d’environ 45 ans, et est inhumé à Paris, au couvent des Récollets à Picpus.

Si, en conséquence de la démolition de l’abbaye et de la disparition de ses archives à la révolution, les abbés de Longvilliers n’y ont guère laissé de souvenirs, Roger d’Aumont de Chappes fait exception. Il y a laissé une marque qui est encore visible de nos jours. A l’entrée de la ferme de la Longueroye, qui était une dépendance de l’abbaye, on peut voir un blason sculpté dans une pierre en oolithe de Marquise, où est gravée la date 1647. Surmonté d’un chapeau prélatrice, il représente les armes de Roger d’Aumont de Chappes. Le blason a été victime des révolutionnaires et seule la “crosse en pal” est encore visible. A la ferme de l’Abbiette à Attin, autre dépendance de l’abbaye de Longvilliers, on peut voir une pierre sculptée identique.

La présence de ces pierres laisse penser que Roger d’Aumont de Chappes fit effectuer des travaux de restauration importants dans ces deux fermes. C’est sans doute en partie grâce à lui que la grange cistercienne de la Longueroye, est encore remarquable de nos jours et est classée monument historique. Selon le site infoBretagne, son passage à l’abbaye de Saint-Aubin des Bois a aussi été remarqué “il se montre véritable pasteur et fait beaucoup de bien dans son diocèse.”

Cela n’apparaissant pas incompatible, il est décrit par Clément-Simon (1897, page 60) comme “grand chasseur, duelliste, orgueilleux et violent“. Son surnom “Tarquin le superbe” le compare au dernier roi de Rome, véritable despote.

: Le vicomte de Pompadour, lieutenant général du roi en Limousin, et Marie Fabry,… / par Gve Clément-Simon…

Clément-Simon G. (1897) – Le vicomte de Pompadour, lieutenant général du roi en Limousin, et Marie Fabry vicomtesse de Pompadour. Extrait de la Revue des Questions Historiques, avril 1897.

A noter que si l’on n’était pas abbé de père en fils, c’est quand même, comme pour René de Mailly, son neveu Charles d’Aumont, fils d’Antoine-François d’Aumont de Rochebaron, gouverneur du Boulonnais, puis de Paris et maréchal de France, qui lui a succédé jusqu’en 1695. Il a également été abbé d’Uzerche et de Beaulieu.

Antoine de Lumbres

En 1669 Antoine de Lumbres, né vers à Licques (Pas-de-Calais), où un rue porte son nom, devint propriétaire de la châtellenie de Longvilliers. Il y mourut le 14 mai 1676. Ses armes sont de nos jours celles de la commune de Lumbres (Pas-de-Calais).

Armes d’Antoine de Lumbres

d’azur à la bande d’or chargée de trois lionceaux de gueules

Son épouse Marthe de Levrien (ou Levrient), qu’il avait épousé ??? mourut également à Longvilliers le 21 septembre 1681, à l’âge d’environ 90 ans.

fut distingué par le Cardinal de Richelieu qui apprécia son esprit élevé et instruit, son caractère ferme et loyal.
.fut distingué par le Cardinal de Richelieu qui apprécia son esprit élevé et instruit, son caractère ferme et loyal. Cela lui valut un certain nombre de titres et distinctions, dont on trouve la mention

Sur sa pierre tombale, qui se trouve dans la chapelle du transept droit de l’église Saint-Nicolas de Longvilliers dédiée précisément à Saint-Antoine, on trouve la mention de ces titres et distinctions.

YCI GIST LE CORPS DE DEFUNCT
MESSIRE ANTOINE DE LUMBRES
CHEVALIER SEIGNEUR CHATELAIN
DE LONGVILLIERS MARQUISSE
HERBINGHEN, DANNES ET
AUTRES LIEUX CONSEILLER DU
ROI EN SES CONSEILS DESTAT
ET PRIVE ET SON EMBASADEUR
EN POLOGNE ET EN ALEMAIGNE
PENDANT LES PASCE DE 16
ANS LE QUEL EST DECEDE
LE 14E JOUR DE MAI 1676

Antoine de Lumbres

Le chevalier de La Barre symbole de la laïcité

   L’abbaye de Longvilliers abrita et tenta de sauver le chevalier de la Barre

Jean-François de la Barre dit le chevalier de La Barre est un symbole de la laïcité et de la liberté d’expression est né le 12 septembre 1745 au château de Férolles-en-Brie

Chassaigne M. (1920) – Le procès du chevalier de la Barre. Paris: J. Gabalda.

28 février 1766

A l’age de 20 ans, il est condamné par le tribunal d’Abbeville pour “impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables”, décrits par les attendus comme:

  • “avoir passé à vingt-cinq pas d’une procession sans ôter son chapeau qu’il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux”;
  • “avoir chanté une chanson impie”;
  • “avoir rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le dictionnaire philosophique du sieur Voltaire”.

1er juillet 1766 à Abbeville

On enserra ses jambes entre des planches de bois et on enfonça des fers entre ses genoux et ces planches pour briser les os (question ordinaire). Une pancarte sur laquelle était inscrit “impie, blasphémateur et sacrilège exécrable” fut placée sur son dos. Le bourreau le décapita d’un coup de hache. On cloua sur son torse un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire et on jeta son corps au bûcher. Il était âgé de 20 ans.
Voltaire, de son refuge de Ferney, réclama en vain la réhabilitation du chevalier de la Barre.

Voltaire (édition de Jacques Van den Heuvel) (2008) – L’affaire du chevalier de La Barre précédé de L’affaire Lally. Paris: Gallimard.

Depuis les dessous de l’affaire du chevalier de La Barre ont donné lieu à de nombreux textes et suscité diverses polémiques.

25 brumaire an II (15 novembre 1793)

Le chevalier de La Barre fut réhabilité par la Convention.

2014

Sortie du film de Dominique Dattola, Les 3 Vies du Chevalier, qui retrace son histoire. Le film a reçu le prix de l’Initiative laïque aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2013.

Présentation du film Les 3 Vies du Chevalier

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