Le château
Le site du château se trouve sur un petit promontoire de la rive droite de la Dordonne. Il fait face à l’église, située de l’autre côté de la route qui conduit à Frencq.
Par delà le charme des vieilles pierres, les ruines du château s’inscrivent majestueusement dans le paysage.
Les risques de chutes de pierres dissuadent de s’approcher des murs, mais on peut néanmoins facilement remonter le cours de l’histoire et imaginer ce que furent la forteresse du moyen âge et le château reconstruit au 18ème siècle.
Si le château fut détruit par un incendie en 1900, on peut néanmoins sans trop d’effort reconstituer son aspect au 19ème siècle. Pour le construire dans la deuxième moitié du 18ème siècle, on avait récupéré les pierres de l’ancienne forteresse pour édifier le logis principal dans le style de l’époque, en conservant cependant l’une des tours. Celle-ci est très certainement celle qui fut réparée après la guerre de la ligue, qui à la fin du 16ème siècle lui occasionna des dégâts (voir l’histoire de Longvilliers). La cheminée qui reste porte en effet la date de 1615 et n’est qu’en 2022 que la partie extérieure, encore visible ci-dessous, fut en grande partie détruite par une tempête.
On remarquera la suite de pilastres d’ordre toscan qui se détache de la façade et encadre des fenêtres rectangulaires.
Un examen attentif, confirmé par des photos aériennes, permet d’apercevoir les fondations de cinq bâtiments ronds, trois en ruines et deux disparus. L’enceinte, qui était entourée de fossés, comportait donc des tours cylindriques. On sait que l’une des tours qui encadraient le pont levis a été entièrement démantelée au 18ème siècle au cours de la construction du nouveau château.
Il y avait donc six bâtiments ronds, vraisemblablement cinq tours prises dans l’enceinte et un bâtiment rond à l’extérieur au Sud-Est. On ne peut dire de ce dernier s’il s’agissait du donjon situé à l00 mètres de la poterne (porte dérobée percée dans la muraille) ou d’une simple barbacane (fortification avancée).
On atteignait le château après avoir passé un fossé et une porte encadrée de deux grosses piles de briques. On peut encore remarquer le damier en grès et silex des murs de soutènement de la rampe d’accès.
En continuant de remonter le temps, on peut encore distinguer les vestiges de la première enceinte de pierres, probablement du 11ème siècle. Un effort d’imagination permet de se représenter ce que fut probablement la première forteresse au milieu du 11ème siècle. Il est suggéré par les appellations des lieux-dits autour du château: la plaine du Plouy, qui se trouve sur la commune de Cormont, juste au Nord du château actuel, et le bois du Plouy à Longvilliers.
Le terme plouy (probablement issu d’un mot celte ploicum), qu’on appelle ailleurs plessis, laisse penser qu’il s’agissait d’un groupe des maisons fortes cernées de fossés, mais non bâties sur motte, qui aurait existé jusqu’à la prise de possession des lieux par la famille de Cayeux à la fin du 12ème siècle.
Fossier R. (1979) – Etapes de l’aménagement du paysage agraire au pays de Montreuil. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public. 10e congrès, Lille, 1979. Le paysage rural: réalités et représentations, 97-116.
Tentative de reconstitution du château fort
Selon la tentative de reconstitution du château que l’on doit à l’abbé Robert-Paul Lepoutre, le château était entouré par une forte enceinte rectangulaire orientée Nord Sud dans le sens de la longueur. Le pont-levis, qui était situé à l’Est, approximativement à la hauteur du premier tiers du mur d’enceinte en partant de l’angle sud, était protégé par deux tours. En face, flanquant le mur d’enceinte ouest, se trouvait une tour plus importante.
En outre il y avait une petite tour flanquante au milieu de la muraille Nord et une dernière tour plus importante à l’angle des murs d’enceinte Ouest et Sud.
Ne subsistent de nos jours que la tour sud-ouest, la grosse tour de l’Est qui laisse voir quatre étages, une grande cheminée et des murs de deux mètres d’épaisseur, ainsi que les fondations de la petite tour du Nord.
L’habitation seigneuriale se situait entre ces deux tours et séparait l’espace intérieur de l’enceinte en deux parties inégales.
Sur le cadastre napoléonien de 1816 figurent quatre tours avec des bâtiments dispersés. L’ensemble paraît correspondre au dessin de l’abbé Lepoutre, sachant que l’une des tours entourant le pont levis avait été détruite à la reconstruction du château. Cependant le dessin de l’abbé Lepoutre comporte certainement des inexactitudes.
En plus de la tour du château reconstruit trois autres tours et des bâtiments existaient donc encore en 1806.
La photographie par satellite en 2021 confirme la représentation du cadastre de 1816.
Si on le rapporte à l’église qui mesure 27 mètres de long, l’espacement des constructions donne une idée de l’importance du château médiéval, les deux tours extrêmes apparaissant éloignées de plusieurs dizaines de mètres.
Le château en 1602
Un inventaire établi après le décès de François de Belleval en 1602 décrit une vaste construction en pierres, carrée, renfermant une cour intérieure sur laquelle prenaient jour tous les appartements.
Il y est fait état d’un ensemble de pièces et dépendances qui paraissent assez luxueux pour l’époque. Les logements principaux (rez de chaussée et premier étage) étaient assez vastes et reliaient les tours de l’est et de l’ouest. De plus les étages des tours étaient aménagés en chambres habitables et en greniers.
Se servant de cet inventaire et des documents conservés par sa famille, le marquis René de Belleval a tenté de reconstituer le plan du château à cette époque. Cette reconstitution fournit de nos jours une visite “virtuelle” du château en 1602.
De Belleval R. (1900) – Les derniers Valois: François II, Charles IX, Henri III. Paris: Librairie historique et militaire Henri Vivien, pages 233-243.
Visite virtuelle du château
C’était une vaste construction en pierres, carrée, renfermant une cour intérieure sur laquelle prenaient jour tous les appartements. D’étroites et rares meurtrières rompent seules vers la campagne l’uniformité des épaisses murailles.
Un pont-levis, défendu par deux tours, donne accès dans la cour; aux angles opposés se dressent la grosse tour et la tour du cabinet; une cinquième tour s’élève entre la grosse tour et celle qui est à gauche de la poterne. Au-dessus de la poterne il y a, au premier étage, une chambre surmontée d’un galetas.
Le rez-de-chaussée se compose, dans l’aile gauche, de la vieille cuisine, du bûcher, des caves et des celliers dans l’aile droite, de la cuisine et de l’office tout le bâtiment du fond est occupé par la grande salle basse et un cabinet y attenant.
Au premier étage, nous trouvons dans l’aile gauche, une chambre dans une des tours de la porte, la grande chambre sur la vieille cuisine, sa garde-robe, une autre chambre dans la tour, puis la chambre de la grosse tour; dans le corps de logis, la grande salle haute, la chambre de Monsieur, la chambre du milieu, puis deux autres chambres, et enfin celle de la tour du cabinet; en continuant par l’aile droite, nous entrons dans un cabinet qui nous conduit dans la chambre de Madame, située sur la cuisine et terminée par la garde-robe qui donne contre l’autre tour de la porte, dans laquelle il y a également une chambre.
Le corps de logis et les ailes n’ont qu’un premier étage au-dessus duquel se proillent les toits élevés recouvrant de vastes greniers; ils sont dominés par les cinq tours surélevées d’un étage de plus, avec une chambre dans chacune, et qui, sous leurs toits d’ardoises, ont une couronne de machicoulis.
La cuisine et l’office
Dans la cuisine, dont le mobilier n’a rien qui puisse nous intéresser, une armoire renferme une nombreuse vaisselle d’étain pesant 223 livres.
Dans l’office, il y a deux coffres remplis de linge de cuisine en toile de chanvre, en pièces, non façonné il y en a quatre-vingt six aunes, tant nappes que serviettes.
La grande salle basse
De l’office passons dans la grande salle basse, l’une des deux pièces de réception, puisqu’il y a aussi une grande salle haute. L’ameublement en est sobre et sévère les murs sont couverts d’une tapisserie de haute lice « à personnages d’Egyptiens » et la cheminée est également drapée d’une haute tapisserie « de plusieurs couleurs ».
Dans cette cheminée il faut remarquer deux chenets « de fonte à l’antique » d’un côté un « buffet de salle de bois d’érable », d’un autre côté « une petite armoire garnie de ferrures » autour de la salle et devant le foyer « trois cherres (grandes chaises) et une petite à enfant », quatorze escabelles de bois de noyer, deux coffres à bahut et deux huches de chêne; au milieu de la salle une table carrée « qui se tire, » et une autre table carrée « en forme d’ung bureau de bois de chesne, » et quatre tableaux peints sur bois.
De la poterne à une chambre circulaire
Négligeons la cave et les celliers pour monter au premier étage. Pour visiter le premier étage avec ordre et méthode, il faut commencer par un côté du château et finir par l’autre. Le point de départ logique est la poterne dans laquelle s’ouvrent les deux escaliers conduisant dans les deux tours qui en défendent l’entrée. L’escalier de la tour de gauche débouche dans une chambre circulaire meublée d’un lit de camp à l’impériale, d’une couchette de chêne avec un ciel de serge rouge bordé de franges et de crépines vertes et blanches et des rideaux de serge rouge, avec sa literie, « son lit » comme on disait alors une table, deux chaises, trois escabeaux et deux chenets de fer.
la grande chambre sur la vieille cuisine
Un corridor étroit et voûté nous mène dans la « grande chambre sur la vieille cuisine; » la cheminée est garnie de deux chenets de fonte, les murs sont tendus d’une tapisserie de Beauvais, qui n’a pas moins de 68 aunes de développement. Il y a deux lits, l’un carré « garny de verges de fer et verny », l’autre en forme de couchette; un « buffet de salle », deux tables dont une à tréteaux, deux « cherres » (chaises) à dos garnies de velours noir, quatre « placets couvertz de tapyserie » et trois escabeaux.
La garde-robe
Puis vient la garde-robe où l’on trouve la literie des deux lits, un autre « buffet de salle », une table à deux tréteaux, une couchette en chêne et noyer, une grande table en poirier, une petite table « en façon d’escabeau et une grande chayre à dais, le fond de cuir ».
La tour près la grande chambre
De la garde-robe nous passons dans « la tour près la grande chambre », où l’on pouvait faire coucher quatre personnes, car il y a deux lits de camp, une couchette et une armoire « en façon de buffet pour mettre un lict. », avec leurs literies et leurs « catalognes » rouges et vertes, une table à deux tréteaux, une « chaise à dos » et un placet, une cheminée avec deux chenets de fer.
Au second étage de la tour on trouve une couchette avec un ciel de droguet noir et blanc, un « chalit [bois de lit ou couchetet] de bois de chesne », une table carrée et un buffet.
Une chambre au premier
Redescendons et reprenons la visite du premier étage. A la suite de la garde-robe que nous avons quittée pour entrer dans la tour, vient une chambre meublée d’un buffet, d’une chaise à dossier, d’un escabeau et d’un lit carré en façon de lit de camp, avec le ciel, les pentes, le fond et le dossier en tapisserie « à point croisé, rehaussés de soie et doublés de taffetas vert ».
La grosse tour: Premier étage
Nous voici enfin parvenu à la « grosse tour », dans laquelle, ainsi que dans les autres tours, devaient loger les soldats formant la garnison du château, si l’on en juge par la simplicité toute militaire de l’ameublement. Cette garnison, durant les troubles de la Ligue, se composait de soixante arquebusiers.
La chambre du premier étage ne contient qu’une table, un buffet, un escabeau, une couchette garnie avec un ciel à deux pentes en tapisserie dite point de Hongrie, et trois rideaux de camelot, et un « chalit » également garni.
La grosse tour: Deuxième étage
II en est de même dans la chambre du second étage, avec un lit de camp, un chalit et une table carrée. La grosse tour, placée à l’angle de l’aile gauche et du corps de logis, est par conséquent adossée à la « grande salle haute » située précisément au-dessus de la grande salle basse.
La grande salle haute
Cette vaste pièce est à peine meublée et servait de garde-robe au baron de Longvilliers, dont la chambre est contiguë.
Le mobilier consiste en deux chenets de fer forgé dans la vaste cheminée, un buffet à deux portes et deux tiroirs, en bois de chêne quatre chaises, trois escabelles, quatre tableaux peints sur bois, et six grands « coffres à bahut », dans lesquels sont enfermés les armes et les vêtements du baron. Dans un coin sont appuyés deux hallebardes et un épieu de chasse.
La chambre de Monsieur
De cette grande salle on entre dans la chambre dite « chambre de Monsieur », dont les murs sont tendus de six pièces de tapisserie « à feuillages, contenant 29 aulnes » alternant avec six tableaux peints sur bois.
Dans la cheminée deux chenets « de fer fontif » et une pelle en fer. Dans un coin, un lit de noyer « à quatre piliers tournés, avec un ciel et trois pièces de courtine de damas changeant ».
A la place d’honneur, au fond de la chambre, un superbe lit en bois de chêne, garni de « six pièces de pente », d’un ciel, d’un dossier et de « soubassements » en satin cramoisi « broché de cordons d’or », avec les rideaux de « damas cramoisy bordés de cordons d’or, à franges et crespines d’or ». La literie est recouverte par une couverture de tapisserie à feuillages.
Sur un « coffre à bahut » sont rangés plusieurs « livres tant en latin que en français et aultres langues, vieux et uzés » à côté du coffre deux chaises à dos, garnies de velours noir.
La chambre du milieu
La « chambre du milieu » qui vient après, est moins somptueusement meublée tout y est en bois de chêne, la table à quatre pieds, le lit à quatre piliers carrés, le lit et le petit chariot d’enfants, le buffet et les trois bahuts renfermant une grande quantité de linge de cuisine; sur les murs sont tendues neuf pièces de tapisserie bleue et jaune, rayées de bandes blanches et rouges, et sur un des coffres sont posés deux coussins de tapisserie aux armes du seigneur de Longvilliers.
Une autre chambre
Dans la chambre qui suit il n’y a qu’une table à tréteaux, une lanterne, une escabelle en chêne, trois tableaux sur toile et un sur bois, un lit de camp à crochets, et un beau lit en chêne orné « d’un tour de lict faict par carreaux de velours blancq et de toile d’or et d’argent, les franges de soye blanche, les crépines d’or, le fond de velours violet brun, le dessus de mesme, et six pièces de pente de thoile d’or et d’argent en carreaux, les bordures de velours violet broudé en feuillages. »
La tour après le cabinet
Nous voici parvenus à la tour, qui, en parallèle avec la grosse tour, fait communiquer le corps de logis avec l’aile droite. On l’appelle « tour après le cabinet » parce que le premier appartement que l’on trouve dans l’aile droite est « le cabinet de la chambre de Madame ».
Cette tour est entièrement privée de cabinet, mais en revanche, il faut remarquer dans la chambre du premier « six fauconneaux de diverses grandeurs garnys de leurs monteures. C’est l’artillerie du château. [le fauconneau était la plus petite pièce d’artillerie, en moyenne de 6 à 7 pieds de longuueur]
Le cabinet de Mme de Longvilliers
Dans le cabinet de Mme de Longvilliers, il y a peu de gros meubles, un « lit vert a se reposer » un placet couvert de tapisserie, deux escabeaux en noyer, une table à tiroirs en chêne, un bahut contenant de beau linge.
Les petits meubles élégants, féminins, sont deux petits coffres de soie « avec cassolettes », une « gaigne d’outilz à jardinyer plaine d’outilz », une gaine contenant dix couteaux, une montre et un cabinet de bois dans lequel il y a « plusieurs petites pièces qui servent de parement au dict cabynet ».
La chambre de Madame
La « chambre de Madame », dans laquelle nous entrons ensuite, est sans conteste la plus élégamment ornée de toutes les chambres du château. Dans la cheminée, dont le manteau est décoré d’une « litre de tapisserie » (pièce en forme de longue bande), il y a deux chenets de fonte et une « palette à feu » (une pelle).
Contre la muraille qui y fait face, est adossé un vaste et superbe lit carré en chêne et noyer, à quatre piliers tournés en spirale, le ciel, le dossier et le fond, ainsi que les trois pentes, sont « en drap d’or et velours céleste, semés de lettres d’or, où sont les armes du seigneur deffunct et de ladite dame », les quatre rideaux sont en damas violet, et une courte pointe en damas bleu recouvre la literie. C’est le lit de mariage.
D’un autre côté. voici un buffet de même travail et de même bois que le lit, fermant à clé, avec deux tiroirs, une table « en forme de tresteau », couverte d’un tapis de tapisserie, deux petites chaises garnies de tapisserie, deux escabeaux, une « petite tablette en façon de escabeau », une « chaire » ou chaise à haut dossier sculpté, une « cuvette à rafraischir vin », un bahut fermant à clé; à la muraille est accrochée « une orloge sonnante avecq les contre-poix, façon d’Allemagne ».
La garde-robe
Dans la garde-robe qui fait suite à la chambre et va s’appuyer contre une des tours défendant l’entrée, il y a plusieurs « coffres à bahut » fermant à clé:
dans le premier, il y a des garnitures de rechange pour les lits, c’est-à-dire les trois pentes, le ciel et le dossier; en voici une en tapisserie, une autre en tapisserie « au point croisé », une autre en serge rouge de Beauvais, brodée de velours vert avec les piqûres en soie blanche.
Dans le second coffre, doublé de toile blanche et divisé en plusieurs compartiments, et dans un troisième sont les vêtements de la châtelaine.
Le quatrième est rempli de linge de corps et de table. Un coffret renferme l’argenterie, un autre coffret, les bijoux très nombreux et très riches.
La dernière tour: Première chambre
Nous entrons maintenant dans la seconde des deux tours qui défendent la porte et nous trouvons dans la chambre, un lit de camp avec toutes ses garnitures en vieux velours figuré brun et les rideaux en taffetas, une table en noyer sur deux tréteaux de fer, un buffet, deux escabeaux et « une cherre » en chêne.
La dernière tour: Deuxième chambre
Dans la chambre au-dessus de la porte, entre les deux tours, il n’y a qu’un chenet de fonte, un lit de camp et une table carrée; dans le « galetas » qui la surmonte, un châlit et sa literie, deux tables, dont une sur tréteaux.
Après avoir descendu les deux étages d’un étroit escalier à vis, nous voici sous la poterne, hors du château, et à la fin du chapitre qui nous a fait pénétrer dans l’intimité de nos ancêtres de la fin du XVIe siècle.